Le 17 juin 2021, le tribunal de première instance de Bruxelles a condamné collectivement les autorités belges pour leur politique climatique négligente. Les juges considèrent que la politique climatique belge est si médiocre qu’elle viole les droits humains les plus fondamentaux. Par contre, ils n’imposent pas d’objectifs concrets.
« Cette déclaration est un signal clair pour nos décideurs politiques. Des politiques décisives en vue d’un avenir pauvre en carbone doivent être prises immédiatement et en priorité. Un avenir meilleur et plus sain », déclare Serge de Gheldere, président de l’ASBL Affaire climat.
Le jugement détaillé (83 pages !) est historique à trois égards. Non seulement la plainte de l’Affaire climat, mais aussi celle des 58.000 co-demandeurs, a été déclarée recevable. Avec cette réceptivité aux citoyens, nous faisons l’histoire au niveau mondial : pour la première fois, la justice reconnait que nous sommes en danger direct, personnel et réel. L’arrêt indique également que l’État fédéral et les trois Régions sont conjointement et individuellement responsables. Là aussi, nous déplaçons les balises. Il s’agit de l’obligation du Code civil d’agir de manière socialement prudente et de prévenir les dommages climatiques graves prévisibles.
L’arrêt, et c’est ce qui est le plus significatif, note également que nos gouvernements violent les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme avec la politique climatique actuelle de qualité inférieure. Ces articles traitent du droit le plus fondamental qu’est le « droit à la vie » et du « droit au respect de la vie privée et familiale ». Ce faisant, dit le juge, c’est un droit humain d’être protégé contre un réchauffement climatique dangereux et les États ont l’obligation de protéger ce droit humain.
Pour la première fois, les citoyens ont clairement fait savoir que la liberté d’action du gouvernement et des ministres s’arrête là où nos droits, ainsi que les droits de nos enfants et petits-enfants, risquent d’être violés.
Pas d’objectifs concrets
« C’est une bonne nouvelle. Mais nous n’y sommes pas encore », déclare l’Affaire climat. En effet, le tribunal n’a pas suivi la demande de l’Affaire climat d’imposer des objectifs concrets de réduction de gaz à effet de serre. L’association a demandé que notre pays émette minimum 42 % de gaz à effet de serre en moins d’ici 2025 et minimum 55 % en moins d’ici 2030. Les juges belges n’ont pas voulu aller aussi loin que les Néerlandais et les Allemands dans de récents procès similaires.
En fait, ceci n’est pas compréhensible, réagit l’Affaire climat. Cela se résume à une situation où un agent dit à un automobiliste : « Monsieur, vous conduisez à 180 à l’heure. C’est beaucoup trop rapide. » – « Oh, excusez-moi. Quelle est la vitesse autorisée? » – « Eh bien, ça, nous ne vous le disons pas. »
Portée par les récentes décisions rendues, entre autres, par les plus hautes juridictions d’Allemagne et des Pays-Bas, qui ont imposé des politiques climatiques plus ambitieuses dans des affaires similaires, l’association fait appel du jugement.
Dans le même temps, elle considère une affaire devant la Cour des droits de l’Homme de Strasbourg. La Cour d’appel de Bruxelles est confrontée à des retards si importants que l’Affaire climat pourrait ne pas avoir lieu avant 9,5 ans. Et nous avons moins de dix ans pour prévenir les changements climatiques dangereux. Compte tenu de l’urgence climatique, cela signifierait qu’il n’y a pas de recours effectif dans le système juridique belge, ce qui nécessite un recours devant les tribunaux de Strasbourg. Ceci lance une nouvelle phase d’un processus lancé il y a six ans.
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