Une actualité qui se répète encore et toujours…
Les restructurations en Belgique ne sont pas un phénomène nouveau. Elles sont souvent le résultat de la mondialisation, de l'automatisation et des changements dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. Mais elles sont aussi souvent le résultat de choix stratégiques de la part des grands industriels qui délocalisent, animés par leur volonté de mettre le profit comme seul objectif défendable.
Des entreprises emblématiques comme Audi, Vanhool, Thales, Copeland, Hexcel, Icopal, et bien d’autres (tous secteurs confondus) ont récemment annoncé des plans de restructuration, entraînant des licenciements massifs et des fermetures d'usines. Ces décisions ont des répercussions profondes, tan sur les travailleurs, qui se retrouvent sans emploi et sans perspectives claires pour l'avenir, que sur l’équilibre économique de notre pays.
Le cas d'Audi : une transition ratée ?
L'exemple d'Audi en Belgique illustre bien les défis et les échecs potentiels d'une transition mal gérée. La fermeture de l'usine Audi à Forest laisse des milliers de travailleurs sans emploi, et sans plan clair pour leur reconversion.
Bien que la non-autonomie des filiales sur les décisions du groupe n’aide pas à ce que les sites soient gérés correctement, cette situation aurait pu être anticipée, tant les enjeux de l’industrie automobile sont connus : la percée des constructeurs de voitures électriques chinois dans le marché mondial, proposant des prix défiant toute concurrence. Face à cela, le choix d’Audi a été de continuer à proposer des voitures haut de gamme électriques, qui restent très polluantes en raison de l'empreinte écologique de la production des batteries et des matériaux utilisés. Ces véhicules sont hors de prix pour la plupart des gens, avec des modèles comme l'Audi e-tron GT coûtant plus de 128 000 euros…
Une telle stratégie ne pouvait pas prédire de grandes choses. Elle a échoué à capter une part significative du marché des véhicules électriques abordables. Où en serait Audi Forest aujourd'hui si l'entreprise avait choisi de produire des voitures électriques citadines pour concurrencer celles fabriquées en Chine ? La fermeture de l'usine entraîne la perte de 4 000 emplois directs et indirects, faisant d'Audi Forest un exemple emblématique d'une transition juste mal gérée. Ce sont plus de 600 millions d’euros qu’auront « couté » les indemnités et le plan social à Audi.
Audi n’aurait pas pu investir dans la création de véhicules électriques plus abordables pour rivaliser directement avec les constructeurs chinois. Par exemple, Volkswagen, la société mère d'Audi, a lancé des modèles comme l'ID.3 et l'ID.4, qui sont plus accessibles et ont rencontré un certain succès.
« L’industrie européenne a aussi ses torts. Elle a retardé autant qu’elle le pouvait l’inéluctable passage à l’électrique. Cette stratégie de retardement climatique a aujourd’hui, des conséquences désastreuses pour les employés d’Audi alors que la société mère Volkswagen continue à distribuer des dividendes aux actionnaires », souligne Nicolas Van Nuffel, président de la Coalition Climat.
Cette situation souligne l'importance d'une planification proactive et d'un soutien adéquat pour les travailleurs touchés par les restructurations.
Une révision des accords européens
La nouvelle tendance consiste à invoquer la crise pour demander la levée des réglementations environnementales et de réduction des émissions de CO2, comme si notre avenir n’en dépendait pas.
Ces réglementations coûtent aux industriels, car elles les obligent à assumer leurs responsabilités, tant sur le plan social qu'environnemental. Mais cela ne plait pas aux grands actionnaires, qui exercent une pression considérable : qui refuserait quelques millions au détriment de la santé des habitants de cette planète ? Les lobbys de l’industrie font alors ce qu’ils ont toujours fait : ils s’immiscent dans la sphère politique et exerce leur influence.
L’opinion publique s’en retrouve manipulée, aidée par les grands patrons de la tech dont les intérêts dépendent aussi des réglementations. Ce contexte a permis la visibilisation du concept d’écologie punitive, créé par la droite pour continuer à fermer les yeux sur les enjeux environnementaux.
De l'implication des travailleurs…
La participation des travailleurs aux processus de décision est essentielle pour garantir une transition industrielle réussie et socialement acceptable. Les travailleurs, grâce à leur connaissance approfondie des opérations quotidiennes et des défis spécifiques de leur secteur, apportent certainement une perspective indispensable. Leur implication, via les organes de concertation sociale, devrait pouvoir assurer que les stratégies sectorielles et les plans de transition des entreprises soient réalistes et adaptés aux besoins réels du terrain. Mais malheureusement, le dialogue social semble s'effriter, laissant de plus en plus place à la politique du fait accompli.
au soutien des autorités publiques.
Les autorités publiques ont la capacité de planifier à long terme et de mettre en place des stratégies globales pour anticiper les défis futurs. De l'identification des secteurs stratégiques à l'allocation de ressources pour soutenir leur développement, leur soutien est donc essentiel. Mais il nécessite une volonté politique forte et une capacité d'anticipation, des qualités souvent absentes des agendas gouvernementaux.
Des politiques solides doivent inclure des programmes de formation continue et de reconversion professionnelle, mais aussi de développement de centre de compétences et d’investissement dans la recherche, et ce afin de se préparer aux évolutions du marché qui nous guettent dans les décennies à venir.
Nos futurs gouvernements auront-ils le courage d’oser repenser l’industrie ?
L'importance des syndicats dans les restructurations d'entreprise
Lors des restructurations d'entreprise, le rôle des syndicats est crucial pour garantir que les intérêts des travailleurs soient protégés et que des solutions équitables sont trouvées. Les syndicats jouent un rôle clé à plusieurs niveaux.
Nous avons en effet la capacité de proposer des alternatives aux plans de restructuration initialement envisagés par la direction. Ces alternatives peuvent inclure des réaffectations internes, des réductions d'horaires de travail ou des formations pour de nouvelles compétences, permettant ainsi de minimiser les licenciements. En cas de licenciements inévitables, les syndicats négocient des plans sociaux qui vont au-delà des exigences légales. Ces plans peuvent inclure des indemnités de départ améliorées, des aides à la recherche d'emploi, et des formations pour faciliter la reconversion professionnelle des travailleurs affectés.
De plus, les syndicats collaborent souvent avec les entreprises pour créer des cellules de reconversion. Ces cellules offrent un accompagnement individuel mais aussi collectif aux travailleurs licenciés, incluant des conseils en orientation professionnelle, des ateliers de recherche d'emploi, et des formations spécifiques pour les aider à rebondir rapidement sur le marché du travail.
Pour conclure …
Les défis actuels montrent qu'il est crucial d'avoir une politique industrielle ambitieuse et bien coordonnée. Pour y faire face, en tant que syndicat, nous proposons plusieurs solutions.
Premièrement, créer des règles encourageant les investissements durables et de développer l'autonomie stratégique, afin de réduire la dépendance aux autres pays, nous parait primordial. Promouvoir l'économie circulaire est également essentiel pour réduire les déchets et protéger l'environnement.
Nous insistons aussi sur la conditionnalité des aides publiques, c'est-à-dire que les entreprises doivent respecter certaines conditions pour recevoir des aides, comme maintenir les emplois ou investir dans des pratiques durables. Nous prônons aussi la généralisation des marchés publics durables et une concurrence internationale équitable.
D'autres priorités incluent une politique énergétique tournée vers l'avenir, des plans de transition juste pour aider les travailleurs à s'adapter aux changements économiques, et un dialogue social permanent entre syndicats, employeurs et gouvernement. Investir dans la recherche et l'innovation est crucial pour développer de nouvelles technologies et méthodes de production. Enfin, il est essentiel de diversifier et sécuriser les chaînes de valeur mondiales et de réviser la Loi Renault pour mieux protéger les travailleurs en cas de licenciements.