La base de données internationale sur les catastrophes EM-DAT a recensé
plus de 12 000 phénomènes météo extrêmes dans le monde entre 1980 et 2023, dont
les deux tiers environ au cours du 21ème siècle. Les inondations (5 474 événements recensés), les
tempêtes (3 977) et les sècheresses (1078) constituent la plus grande part des
catastrophes naturelles sur la période étudiée.
Les vagues de chaleur représentent
la plus grande menace sanitaire directe liée au climat à laquelle la population
européenne est confrontée mais n’est pas la seule.
L’Italie, la Grèce et
l’Espagne figurent parmi les pays les plus touchés mais la Belgique n’est pas
épargnée. Les inondations de 2021 ont coûté la vie à pas moins de 39 personnes
en Wallonie et ont impactés 100 000 habitants. Le montant des dommages a
dépassé les 2,5 milliards d'euros.
Cette situation a d’importantes
répercussions sur la sécurité et la santé des travailleurs, qui sont souvent exposés
aux risques pendant des périodes plus longues et à des intensités plus élevées du
fait de leur activité professionnelle que la population générale, selon l’OIT
(Organisation Internationale du Travail).
Les risques sanitaires liés au
changement climatique sont nombreux et potentiellement graves : accidents,
cancers de la peau, maladies cardiovasculaires et respiratoires, insuffisance
rénale, problèmes de santé mentale, …
Les implications financières
sont également considérables, en raison de la perte de productivité, des
interruptions d'activité et des dommages aux infrastructures.[1]
Face à ces nouveaux risques
pour la santé des travailleurs, la législation sur la santé et la sécurité au
travail doit évoluer.
De nombreux pays ont développé
des règlementations notamment par rapport aux conditions de chaleur et de froid
en milieu de travail. La législation contient principalement des limites de
température maximales et des mesures de précautions à mettre en œuvre sur le
lieu de travail.
Quelques exemples :
En Belgique, les températures
maximales de l’air, fixées à partir de l’indice WBGT[2],
sont de 29° C pour un travail physique léger, 26° C pour un travail moyen à
lourd, 22° C pour un travail lourd et 18° C pour un travail très lourd.[3]
Le Code du bien-être au
travail contient plusieurs dispositions liées au rayonnement UV solaire. Par
exemple, des équipements de protection individuels doivent être fournis pour
protéger la peau des travailleurs exposés, notamment des produits
dermatologiques, des couvre-chefs, des lunettes et des gants.
Plusieurs directives
européennes contiennent des dispositions liées à la protection des travailleurs
lors de phénomènes météorologiques extrêmes. Par exemple, la directive
2009/104/EC sur l’utilisation d’équipements de travail précise que les travaux
temporaires en hauteur ne peuvent être effectués que lorsque les conditions
météorologiques ne compromettent pas la sécurité et la santé des travailleurs
et que des mesures de sécurité devraient être mises en œuvre en cas de
changement des conditions météorologiques qui pourrait être préjudiciable à
l’échafaudage concerné.
La directive 89/656/EEC sur
l’utilisation d’équipements de protection individuels prévoit le port de
vêtements de protection contre les intempéries pour les travaux à l’air libre
par temps de pluie ou temps froid, et la directive 89/654/EEC sur les
prescriptions pour les lieux de travail prévoit que si des travailleurs sont
employés à des postes de travail extérieurs, ces derniers doivent être, dans la
mesure du possible, aménagés de telle façon que les travailleurs soient
protégés contre les influences atmosphériques et, si nécessaire, contre la
chute d’objets.
Source : Assurer la
sécurité et la santé au travail à l’heure du changement climatique, Genève :
Bureau international du Travail, 2024.
L’essor des technologies
vertes s’accompagne également de nouvelles problématiques en matière de santé
et de sécurité au travail. Par exemple, les batteries au lithium contiennent
des substances chimiques toxiques, dangereuses pour la santé des travailleurs.
Les installations solaires présentent des risques électriques durant
l'installation ou la désinstallation, le raccordement et la maintenance.
Par la force des choses, les
autorités se saisissent donc de ces questions de manière croissante. Mais en
Espagne, nous avons récemment assisté à une innovation en matière de droit du
travail. A la suite de la catastrophe qui a touché la région de Valence en
octobre 2024 et au risque de reproduction d’épisodes de ce type ou d’autre
événements climatiques dans le futur, le Gouvernement espagnol a mis en place
un congé payé climatique.
C’est ainsi qu’en cas d’alerte
officielle délivrée par une autorité publique, les travailleurs auront droit à quatre
jours de congé indemnisés par l’Etat. Cette disposition a été prise car pendant
les inondations, plusieurs entreprises avaient obligé leurs personnel à se
rendre au travail malgré l’alerte émise par l’agence météorologique nationale.
La législation n’est cependant
pas le seul levier d’action afin de prévenir les risques liés aux changements
climatiques pour les travailleurs. La concertation sociale tant au niveau des
gouvernements qu’à celui des entreprises est fondamentale. Ce sont les
travailleurs qui connaissent le mieux leurs conditions de travail et les
problèmes auxquels ils sont exposés et des conventions collectives peuvent être
négociées qui prennent en compte les spécificités des différents secteurs.
Par ailleurs, la mise en œuvre
de ces accords n’est rien sans la formation et la sensibilisation aux mesures
de protection nécessaires et au contrôle de leur bonne application.
Nous entrons dans une
nouvelles ère où il devient plus que jamais nécessaire de changer de paradigme
face à l’imprévisibilité des conditions naturelles et macroéconomiques pour assurer
la résilience des travailleurs et des citoyens. Il est donc crucial de s’y
préparer aussi au niveau syndical.