Et si nos entreprises étaient responsables de faire respecter les droits sociaux et environnementaux tout au long de leur chaine d’approvisionnement? Dorénavant, ce sera une obligation pour les grandes entreprises européennes.
Le 15 mars dernier, les pays membres de l’Union Européenne se sont accordés sur une nouvelle directive qui contraint les grandes entreprises européennes à se soumettre à un «devoir de vigilance». Cela signifie qu’elles seront juridiquement responsables des violations des droits humains et sociaux (travail des enfants, travail forcé, sécurité...) et des dommages environnementaux (déforestation, pollution...), y compris pour leurs fournisseurs.
Concrètement, les entreprises vont devoir identifier les risques d’atteintes tout au long de leur chaine de valeur et mettre en place des mesures afin de les diminuer. Si un fournisseur ne se conforme pas aux mesures, l’entreprise devrait alors mettre un terme à leur relation commerciale.
A terme, il faut espérer que cette directive améliorera les conditions de travail, le respect des droits humains et le respect de l’environnement dans les pays en amont des chaines d’approvisionnement européennes. Et bien sûr, qu’elle contribue à éviter des drames comme celui du Rana Plaza au Bangladesh dont l’effondrement en 2013 avait fait 1.100 victimes, la plupart étant des ouvrières travaillant pour de célèbres marques de vêtements occidentaux telles que Zara, Mango, Primark ou encore C&A.
Deux ans de négociations avant un accord sous présidence belge
La directive a été proposée par la Belgique en 2022. Malheureusement, sa signature fut loin d’être une formalité. La Commission européenne a du faire avec le lobbying virulent de l’industrie allemande, Bundersverband der Deutschen Industrie, poussant l’Allemagne à s’abstenir sur le texte. A côté de l’industrie allemande, ce sont les patrons français qui ont mis la pression sur le seuil des entreprises visées sous prétexte d’atteinte à la compétitivité de leurs entreprises. Initialement prévue pour les entreprises à partir de 500 travailleurs, la directive s’appliquera finalement aux entreprises de 1.000 travailleurs dont le chiffre d’affaires mondial atteint au moins 450 millions d’euros.
Au final, le nombre d’entreprises concernées est donc restreint : seules 5 500 très grandes entreprises (0,05% des sociétés européennes) seraient couvertes par la directive, estime l’European Coalition for Corporate Justice, un vaste réseau d’ONG.
L’entrée en vigueur des règles relatives au devoir de vigilance prendra par ailleurs encore un certain temps: après cet accord des 27, la directive doit encore être formalisée par les ministres. Ensuite, ce sera au Parlement Européen d’adopter un nouveau texte, on l’espère, dans les meilleurs délais.
Un combat syndical
La directive sur le devoir de vigilance est soutenue depuis le début par la CSC et la FGTB. Elle rejoint directement des combats menés depuis des années, comme la campagne achACT, qui travaille à l’amélioration des conditions de travail et au renforcement des travailleuses et travailleurs de l’industrie textile.
Cette directive va amener plus de transparence dans les chaines d’approvisionnements des entreprises, plus de leviers pour aider les syndicats et les ONG à améliorer les conditions humaines, sociales et environnementales à travers le monde et plus de transparence afin que les clients et les investisseurs puissent juger du caractère durable d’une entreprise. C’est donc un bonne nouvelle malgré le changement de seuil décevant.
En plus des rapports de durabilité (lire notre article sur la directive CSRD), qui pousseront progressivement les entreprises a publier une information certifiée sur leurs aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance, les représentants des travailleurs disposeront bientôt de davantage d’informations pour amener ces nouveaux thèmes, qui dépassent les frontières de leur entreprise, dans la concertation sociale.
Les cellules RISE continueront à suivre la mise en œuvre de la directive et sa concrétisation dans la concertation sociale belge.