Le développement du numérique, aujourd’hui gonflé
à l’IA, présente des enjeux considérables à la fois pour la planète, les
humains et, in fine, pour les syndicats. Rappelons que le numérique représente
aujourd’hui 3 à 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde,
soit plus que le transport aérien. Mais ce n’est pas tout. Les évolutions en
cours vont en outre impacter l’emploi de manière massive.
Dans le cadre de cet ouvrage, l’auteur aborde la digitalisation de la société sous un angle philosophique, sociologique et psychologique qui n’en est pas moins interpellant en termes de fragilisation de la démocratie, de déshumanisation, de creusement des inégalités, d’affaiblissement des rapports de force au sein du système capitaliste.
Dès l’introduction Frédéric Vincent nous interpelle en ces mots :
« Ah, mon matou malin qui passe du bon temps à se gratter la panse devant une foutue série Netflix ! J’avais envie de taper la causette avec toi pour te révéler deux ou trois trucs sympathiques au sujet d’un quelque chose qui me trotte dans la caboche depuis belle lurette. Je voulais causer de la datacratie, ce foutu nouveau dispositif politique qui nous contraint à produire et à bouffer de la data à toutes les sauces dans une ère du numérique qui sent bon le sapin. »
L’introduction se termine par ces mots :
« Ouvre les yeux, ma carbonade truculente, c’est pas tout rose là-dehors dans la matrice. On va te montrer les arrière-cours sombres de cette nouvelle ère, où la liberté n’est qu’un mot qu’on t’a volé, où la pensée critique est comme un ovni dans un champ de moutons shootés au valium. Accroche-toi, mon Goldorak cramoisi, parce que ça va secouer. »
Et, en effet, on peut dire que ça secoue… L’auteur nous interpelle de manière plutôt directe, mettant en regard les pratiques virtuelles et les théories développées par de grands noms de la psychologie, la philosophie, la sociologie et l’anthropologie.
De la violence virtuelle
« Mon petit Ewok boiteux » … sous le vocable « violence
virtuelle » se cache un mélange de violence compensatrice (avec comme
source un sentiment d’impuissance, de frustration face à des besoins non
comblés) et réactionnelle (réponses impulsives et agressives trouvant leur
source dans la peur, la frustration, l’anxiété) sous l’apparence d’une
« violence ludique », en référence à Erich Fromm.
De la honte prométhéenne
« Mon Calimero sous xanax » … Cette honte, du Prométhée post-moderne abreuvé au transhumanisme et à la technologie, apparentée aux théories de Gunther Anders, est celle de la relation entre l’homme imparfait et la machine considérée comme parfaite. Allant jusqu’à réifier le corps et le transformer, à rendre floue la frontière entre l’humain et la machine, à altérer les interactions humaines, entre autres, dans les relations intimes.
De la sur-répression à l’ère du numérique
« L’explorateur solitaire de YouPorn » … Partant des pensées d’Herbert Marcuse, citant au passage Pierre Bourdieu, nous vivons dans la civilisation du self-service érotique et son illusion de plaisir qui nous enchaîne plus encore à ses diktats. Derrière cette « réification érotique » qu’en est-il de la vie réelle ? Quid de l’insatisfaction permanente ?
Du gigantisme machinique
« Mon tyrolien débraillé » … Selon Théodore Roszak, le machinisme remplace tout, génère croissance et progrès asociaux, nous déconnectant de la nature. Il traite du concept de « cerveau informatique mondial » qui, par la centralisation de l’information, support d’une société du contrôle, entraine la perte de sens et de nos capacités manuelles. Il dénonce la « démence technicienne » à croissance exponentielle, incontrôlée et ses impacts sociaux, psychologiques et environnementaux.
L’hyper-narcissisme
« Mon caducée atrophié » … Les influenceurs narcissiques gavent des « gamins gloutons » de néant. Voilà qui n’est pas sans rappeler « l’ère du vide » de Gilles Lipovetsky. Disparition des repères, superficialité, quête du plaisir direct, des likes comme shoots d’approbation immédiate, nous sommes bien dans la « société du spectacle ». Société dégénérée à en faire hurler Friedrich Nietzsche devant tant de grotesque. Nous vivons une époque où les utopies, jetées aux oubliettes, sont remplacées par un vide de sens, un vide existentiel.
La liquéfaction d’Eros
« Ma tarte tatin ratée » … Les sites de « rencontres digitales » et autres réseaux sociaux sont des lieux d’errances à la recherche désespérée de validation, d’une âme sœur ou de liens temporaires, travestis de filtres transformateurs, offrant l’illusion d’un choix infini. A ce sujet, l’« amour liquide » de Zygmunt Bauman, parle de l’état actuel des relations humaines, fragiles, éphémères, émotionnellement instables.
L’accélération imposée par les mondes en ligne
« Mon Bounty chaud bouillant » … La soif infinie de virtualité est une fuite en avant perpétuelle dans l’illusion d’une réalité alternative. Vivant une accélération sans plus aucun véritable échange humain, elle nous fait perdre le contact avec l’aujourd’hui et la vie réelle. Thèse défendue par Harmut Rosa dans sa théorie de l’accélération.
Heidegger et la question de la technique
« Mon titi twister » … Suivant Martin Heidegger, la technologie fait de l’humain une ressource exploitable, modifiant notre rapport au monde, nous menant à la perte de sens, de vérité et de liberté. Ainsi, les technologies numériques omniprésentes, nous entraînent dans un système dont les valeurs sont : l’utilité, la rapidité et l’efficacité, nous éloignant de notre véritable état d’être.
Plus de télétravail, plus de bullshit jobs
« Hé, toi là-bas, assis dans ton sanctuaire domestique (…) le maestro du télétravail » … Le télétravail passé à la moulinette des « bullshit jobs » de David Graeber, fait de l’humain un collecteur de données, un pion, en disponibilité permanente, dans le grand jeu du Big Data, un esclave post-moderne alimentant les algorithmes et ainsi le monstre de la consommation infinie.
Le désenchantement du réenchantement du monde
« Mon coco lapin » … Face au « désenchantement du monde » porté par Max Weber et Marcel Gauchet, l’ère du numérique se présente comme un réenchantement, une nouvelle forme d’expression spirituelle. Pour l’auteur, la modernité, le capitalisme, la science et la bureaucratie se sont substitués au sacré et au mystique induisant une perte de sens. Les interactions virtuelles superficielles, l’exploitation commerciale, la surinformation, les opportunités illusoires, l’obsolescence technique induisent de fait le désenchantement. Pour Frédéric Vincent, nous vivons dans l’ère « De la servitude volontaire à l’écran ».
Pour conclure mais aussi pour confirmer la
trajectoire actuelle prise par le système capitaliste, voici une déclaration
faite, il y a à peine quelques semaines, par le futur ministre de «
l'efficacité gouvernementale » sous Donald Trump, Elon Musk.
Au cours de la 8e édition de la
Conférence annuelle de la Future Investment Initiative à Riyad, en Arabie
saoudite, en octobre dernier, Elon Musk a affirmé son ambition que les robots
humanoïdes soient plus nombreux que les humains d’ici 2040.