Ces perspectives, si elles se confirment, conduiront à une
réorganisation du monde du travail et à un besoin d’investissement massif dans
la formation.
Dans ce contexte,
la réduction collective du temps de travail, contrairement au discours
dominant, est un enjeu extrêmement actuel.
Parallèlement, il pourrait aussi s’agir d’un outil efficace permettant d’atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050, sur lequel s’est engagée l’Union européenne, à condition d’être conçu avec cet objectif à l’esprit.
Tout d’abord quelques rappels historiques et conceptuels…
La réduction
collective du temps de travail peut prendre différentes formes. Elle peut se
baser sur la diminution du nombre d’heures travaillées sur une journée, sur la
semaine de quatre jours ou encore sur l’augmentation du nombre de jours de
congés, pour donner quelques exemples.
Le graphique suivant illustre la tendance historique au niveau de l’évolution du nombre d’heure de de travail par an en Europe et dans un certain nombre de pays. La Belgique n’est pas représentée mais suit bien évidemment le même mouvement.
Cette évolution a
été la conséquence du raccourcissement de la journée de travail, du passage à
la semaine de travail à six jours, de l’introduction des congés payés, de
l’instauration des régimes de retraites et de l’augmentation de l’âge de la
scolarité et de l’allongement des études et de la formation.
Ces courbes portent sur les employés à temps plein. Cependant, de nombreux travailleurs sont occupés à temps partiel et ce chiffre est en augmentation. Le tableau suivant montre la proportion de travailleurs à temps partiel par Etat membre de l’Union européenne en 2015. Il en ressort que la Belgique se situe dans le haut du classement avec plus de 40 %.
Emploi à temps partiel en proportion de l’emploi total, par genre, 2015
Ces emplois très majoritairement féminins concernent souvent des activités moins qualifiées et moins bien rémunérées.
Alors pourquoi la réduction collective du temps de travail est-elle soluble dans la transition juste ?
Pour des raisons sociales d’abord…
La réduction du
temps de travail rend plus facile la conciliation entre vie privée et vie
professionnelle et permet donc à un plus grand nombre de femmes, sur lesquelles
repose encore une grande part des tâches ménagères et d’éducation des enfants, d’accéder
à des postes à temps plein mieux rémunérés.
Elle réduit
également, pour tout le monde, un certain nombre de risques pour la santé liés
à l’épuisement professionnel comme les risques cardio-vasculaires. On sait, par
ailleurs, que la charge mentale contribue à une augmentation de la consommation
d’alcool et de tabac.
A certaines
conditions, liées à la réorganisation des activités de l’entreprise, la
réduction du temps de travail peut potentiellement engendrer une meilleure
redistribution des emplois disponibles entre un nombre plus important de
personnes et être ainsi source de création d’emplois de qualité.
Elle a aussi pour
conséquences, une augmentation de la productivité du travail et si le
développement de l’IA se confirme, l’augmentation de la productivité globale pourrait
très bien la financer.
Il est à noter que l’IA n’est pas une solution miracle à tous points de vue et recèle de nombreux enjeux et dangers mais ce n’est pas le propos de cet article.
… Et sur le plan de la réduction des impacts sur l’environnement
Il a été démontré
que la durée du travail et la manière dont il est organisé ont une influence
certaine sur la consommation énergétique de l’entreprise, ne serait-ce qu’en
lien avec les besoins en chauffage et climatisation mais aussi en matière de
mobilité. La semaine de quatre jours, notamment, réduit les besoins en
déplacement domicile-travail qui, rappelons-le en Wallonie, se font encore à 85
% en voiture.
Elle permet
également une optimisation de l’utilisation des équipements en fonction de l’organisation
des équipes.
Parallèlement,
l’augmentation du temps libre est susceptible d’induire une évolution vers des
modes de consommation privés plus durables.
En effet, dans
les ménages à forte intensité de main d’œuvre, une plus grande partie des
revenus est consacrée à l’achat de repas industriels tout préparés, à l’achat
d’équipement ménagers et à une plus grande utilisation de l’avion pour les
vacances.
Il en ressort que
l’impact de la réduction du temps de travail sur l’empreinte écologique dépend
de nombreux facteurs.
Néanmoins, les
études convergent vers une corrélation positive entre les heures passées au
travail et la pression exercée sur l’environnement dans l’Union européenne.
Une étude suédoise sur les heures de travail et les émissions de gaz à effet de serre, publiée en 2015, indique que 1 % de diminution du temps de travail conduit, en moyenne, à 0,8 % de diminution des émissions.[1] Alors qu’attendons-nous pour remettre ce dossier à l’ordre du jour de la négociation dans les entreprises ?
Pour aller plus loin :
[1] Nässen and Larsson, 2015.