Le « Hydrogen Council », lancé officiellement durant le Forum Economique Mondial de Davos en janvier 2017, a pour objectif de faire de l’hydrogène un vecteur central de la transition énergétique. Il regroupe aujourd’hui plus de 150 entreprises et multinationales.
Depuis lors, l’hydrogène, devenu « à la mode », est quasiment envisagé comme une solution miracle par bon nombre de pouvoirs publics et d’acteurs économiques dans le remplacement du gaz fossile pour une série d’usages.
La question qui se pose cependant est de savoir si l’hydrogène représente réellement une pièce du puzzle de la transition bas carbone ou s’il constitue en partie au moins un moyen pour les sociétés gazières de rebondir sous couvert d’énergie verte.
Et bien, ça dépend…
S’il est vrai que l’hydrogène, en tant que combustible, ne rejette pas de CO2 mais uniquement de l’eau, il n’en va pas de même pour sa production. C’est ainsi qu’on distingue principalement trois types d’hydrogène :
- l’hydrogène gris est produit à partir du gaz naturel (CH4) suivant un procédé dit de vaporeformage qui permet de séparer les atomes d’hydrogène (H) et de carbone (C) ;
- l’hydrogène bleu, c’est la même chose, à ceci près que la production d’hydrogène est associée à un dispositif de captage et de stockage du carbone ;
- l’hydrogène vert est produit par électrolyse de l’eau à partir d’électricité renouvelable.
Il va de soi que seul l’hydrogène vert peut jouer un rôle dans la transition énergétique.
Néanmoins, d’autres problèmes se posent…
Les objectifs européens en matière d’énergies renouvelables à l’horizon 2030 conduisent à des besoins de l’ordre de 10 millions de tonnes d’hydrogène vert, ce qui correspond, à titre de comparaison, à une demande en électricité verte supérieure à la totalité de l’électricité utilisée en un an en France.
Au niveau belge, les ambitions sont elles aussi gigantesques. La Stratégie fédérale prévoit des importations d’hydrogène vert de 6 à 10 millions de tonnes en 2050, ce qui égale la consommation actuelle de toute l’Union européenne.
Quant à la Wallonie, son plan stratégique en chantier a pour objectifs la réduction de son empreinte énergétique et de sa dépendance aux énergies fossiles, la création d’emplois et de répondre aux besoins de flexibilité engendrés par les énergies renouvelables qui ne peuvent être stockées.
La solution consisterait donc à importer l’hydrogène de pays où l’ensoleillement est suffisant pour fabriquer suffisamment d’énergie solaire.
C’est ainsi que la Belgique et la Namibie ont signé, en 2021, un protocole d’accord dans le domaine de l’hydrogène qui sera ensuite importée, ce qui pose question quand on sait que 56 % des habitants de ce pays seulement ont accès à l’électricité et que les besoins locaux d’énergie décarbonée sont énormes.
Par ailleurs, le transport de l’hydrogène n’est pas sans poser de soucis. L’importation de l’hydrogène par bateau nécessite de le liquéfier et donc de le refroidir à -253 °C, ce qui requiert une énergie considérable.
Quant au transport par pipeline qui est envisageable à l’intérieur de l’Europe, il représente un coût d’infrastructure important et ne peut être opérationnel avant plusieurs années.
À titre d’illustration, le projet reliant l’Espagne et l’Allemagne via la France baptisé « H2Med » qui devrait acheminer 10 % des besoins estimés en hydrogène de l’Union européenne en 2030 devrait coûter 2,5 milliards d’euros.
Tous ces coûts risquent de peser lourdement sur la compétitivité de ce vecteur énergétique comparé aux autres sources d’énergie, à moins d’être largement subventionné.
Il résulte de ces quelques considérations que si l’hydrogène vert doit être intégré dans les politiques de transition énergétique, il ne peut l’être réalistement que pour les usages pour lesquels il est absolument nécessaire, à savoir les secteurs qui ne peuvent pas être électrifiés, comme la production d’acier, d’ammoniac, de méthanol ou le recyclage du plastique.
Son utilisation pour le transport ou le chauffage des bâtiments n’a, en revanche, aucun sens à partir du moment où le passage de l’électricité à l’hydrogène représente une perte de rendement de l’ordre de 25 à 30 %, par rapport à l’utilisation directe de l’électricité.
En conclusion, si l‘hydrogène vert fait bien partie du mix énergétique de la transition bas carbone, il ne doit pas exonérer les acteurs d’une réflexion plus globale sur une transition du tissu économique régional qui soit créatrice d’emplois de qualité, plus économe en énergie et moins dépendante des importations.