Plan national Énergie-Climat: la Belgique n’est pas sur la bonne voie pour 2030

La Belgique a remis à la Commission européenne son Plan national Énergie-Climat (PNEC) pour la période 2021-2030. Un plan… à la belge qui compile et coordonne les contributions du fédéral et des Régions pour répondre aux objectifs fixés par l’Europe. Ce plan répond-il à l’ambition attendue vis-à-vis des enjeux sociaux majeurs que pose la transition climatique?

La Belgique, comme tous les États membres de l’Union européenne, a dû remettre son PNEC à la Commission européenne pout le 31 décembre 2019. Dans ce plan, elle a dû définir les politiques et les mesures qu’elle compte mettre en place pour atteindre le triple objectif fixé par l’UE sur la base de l’accord de Paris (COP21), à savoir: réduire globalement ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 40% par rapport à 1990, porter la part des énergies renouvelables à 32% et améliorer l’efficacité énergétique d’au moins 32,5%.

La prise de ces mesures d’ordre écologique et environnemental est porteuse d’enjeux capitaux pour l’avenir de la planète, mais aussi pour celui des travailleurs. En effet, les réponses politiques, économiques, mais également sociales qui seront données auront des conséquences sur la manière d’aborder la transition et de permettre (ou pas) une transition juste pour les travailleurs. 

La copie de la Belgique

Pour permettre la rédaction d’un plan national dans le contexte institutionnel belge, chaque entité (fédérale et fédérée) a adopté son propre plan, tant pour le contenu (objectifs, secteurs…), que pour sa réalisation (stratégie, budgets…). À cet effet, divers conseils consultatifs où siègent les organisations syndicales ont été sollicités.

Fin 2018, un premier projet de PNEC était publié… et accueilli de manière très critique, tant par la Commission européenne que par les conseils consultatifs. Un an plus tard, la Belgique a-t-elle amélioré sa copie?

En Wallonie, objectifs ambitieux sans basculement concret

Si la contribution wallonne au PNEC n’est pas dénuée d’ambition, elle ressemble davantage à un catalogue de l’existant qu’à une véritable stratégie politique, avec peu de mesures relevant de la transition juste et peu d’indications concrètes quant au financement des mesures proposées. La stratégie de rénovation énergétique des bâtiments constitue néanmoins un enjeu majeur du PNEC, en Wallonie comme d’ailleurs en Région bruxelloise. 

En Wallonie, dans ce domaine, une série de mesures ont été prises, mais beaucoup d’entre elles n’ont pas encore été concrétisées. C’est le cas par exemple concernant l’inventaire de l’état du parc de logement social wallon qui est dans un état assez déplorable mais sur lequel nous n’avons pas de vue d’ensemble. On attend aussi davantage du gouvernement wallon pour rénover les logements sociaux attribués à des publics déjà précarisés. Pour le logement privé, il faudrait amplifier la réforme des primes à la rénovation énergétique, initiée lors de la précédente législature. 

Avec 46% des logements ayant une performance énergétique F ou G, l’habitat wallon est en effet une véritable passoire. Mais encore faut-il que le système d’aides  touche le public de ces “passoires”: les personnes ou ménages économiquement faibles, les personnes âgées ou les jeunes ménages qui n’ont pas les moyens de rénover leur logement.

Les mesures d’accompagnement abordées tant dans le DPR que dans le PNEC doivent donc être effectivement mises en œuvre. Ce qui implique un accompagnement plus proche sur le terrain pour les personnes qui ont du mal à percevoir les bénéfices de la rénovation énergétique et à prendre en main la paperasse nécessaire à l’obtention des primes...

Bruxelles: manque de mesures de transition

A Bruxelles, qui a un faible taux d’industries fortement énergivores et productrices de CO2, ce sont les mesures concernant la mobilité et le bâti qui sont particulièrement importantes. La stratégie de rénovation bruxelloise s’appuie sur l’obligation d’accomplir, tous les cinq ans, des étapes d’isolation des bâtiments sur la base de diagnostics afin de se rapprocher du bâti passif. 

Si la Région entend activer des primes, prêts verts et autres leviers fiscaux, elle fournit peu d’éléments concrets concernant les impacts sociaux potentiels de ces mesures. Ils sont pourtant loin d’être négligeables dans le cas, par exemple, où un propriétaire décide d’investir dans l’isolation d’un bâtiment qu’il loue avec, à la clé, une augmentation des loyers difficilement supportable par un public déjà fragilisé sur le marché du logement. 

Un accompagnement social sérieux devra donc être mis en place pour que les loyers restent tenables pour les locataires. Et des mesures devront être prises pour les petits propriétaires qui n’auront peut-être pas les moyens de financer une rénovation tous les cinq ans…

Dumping social

En matière de transports, beaucoup de mesures favorisent la mobilité douce et les transports en commun. Les organisations syndicales se rangent volontiers du côté de ces mesures. Mais la volonté de diminuer l’accès à Bruxelles en voiture sera socialement problématique si les transports en commun ne se développent pas dans les autres Régions pour permettre aux navetteurs de rejoindre Bruxelles. Par ailleurs, une taxation intelligente toucherait négativement des travailleurs qui n’ont pas le choix de leurs horaires ou qui n’ont pas les revenus suffisants pour acheter les derniers modèles moins polluants.

Ces mesures de transition à Bruxelles portent en elles un potentiel important de créations d’emplois. Mais, que ce soit dans le secteur du bâtiment ou celui des transports, il faudra  s’assurer que ces créations se feront dans le respect des règles sociales. Dans le secteur du bâtiment par exemple, il y a beaucoup de concurrence pas toujours loyale. Il faudra en tenir compte lorsque les mécanismes qui porteront cette politique de rénovation seront mis en place. Cela permettra au secteur de se développer en créant des emplois de qualité.

Plan national: un horizon 2030 bouché

La coordination et l’articulation de ces mesures bruxelloises, wallonnes et flamandes dans le plan national sont censées permettre au pays d’atteindre la neutralité carbone en 2050 via des mesures concrètes dans le secteur du bâtiment, des transports, de la gestion des déchets et de l’économie circulaire.

Y arrivera-t-on? On peut en douter, vu le manque de coordination et de vision commune à l’échelon fédéral, ainsi que le manque d’ambition sur les gaz à effet de serre et les énergies renouvelables. 

L’Europe a demandé à la Belgique de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 35% d’ici 2030 et d’atteindre 21% d’énergie renouvelable dans le mix énergétique à ce même horizon. Un engagement qui va être difficile à tenir au vu des derniers chiffres officiels qui constatent une augmentation des GES en 2018… La Belgique va rater les objectifs 2020. Et on n’est pas sur la bonne voie pour 2030 avec la révision à la hausse des objectifs européens suite au «Green deal». 

Si nous voulons réussir une transition juste, il faut réactiver le dialogue social. Les syndicats et la société civile doivent être mieux consultés sur les questions cruciales que la transition pose sur le plan social…

Plus d’infos? https://www.climat.be/fr-be/news/2019/version-definitive-du-plan-national-integre-energie-climat


 

Plan national, mesures régionales

Quelques mesures des contributions des entités fédérées au Plan national Énergie-Climat.

  • En Région wallonne

• Mobilité: le plan Fast (Fluidité, accessibilité, santé/sécurité et transfert modal) vise à développer un modèle de mobilité multimodal. Le but est de garantir à tous l’accessibilité aux biens et services tout en réduisant de 40% les embouteillages et les émissions de gaz à effet de serre issues du secteur du transport.

• Énergie renouvelable: la Wallonie entend porter la part d’énergie renouvelable à 23,5% de sa consommation finale.

• Rénovation: réduction de 70% de la consommation d’énergie des bâtiments (2050) et mesures de soutien et d’accompagnement accrues pour les ménages en précarité énergétique.

  • En Région bruxelloise

• Amélioration de l’efficacité énergétique (27%) via, entre autres, une diminution de 50% des consommations liées à l’éclairage (éclairage Led).

• Fin de l’utilisation du diesel en 2030 et de l’essence et du LPG en 2035.

• Neutralité énergétique pour les bureaux et commerces d’ici 2050.

• Construction de nouveaux bâtiments exclusivement passifs.

  • En Région flamande

• Limitation de la vitesse maximale sur le ring de Bruxelles à 100 km/h.

• Réduction des émissions de CO2 du secteur agricole de 25% (2030).

• Incitants – non obligatoires – à rénover le parc immobilier résidentiel.