Les métaux rares : l’autre défi de la transition énergétique…

Un article des Cellules RISE de la FEC et du CEPAG


Tout ce que les écologistes de tous bords défendent depuis près de 40 ans, et aujourd’hui l’ensemble des parties prenantes, à savoir le développement des énergies renouvelables comme solution à la crise climatique et nouveau gisement d’emplois s’avère-t-il en fin de compte un remède pire que le mal ?

L’objectif du projet de loi climat européenne visant à faire de l’Union européenne le premier continent à parvenir à la neutralité climatique ne serait-il que du window-dressing (= maquillage écologique mais pas réel changement) ?

Explications…

Qu’est-ce que les métaux rares ? A quoi servent-ils ?

Les métaux rares sont répertoriés en deux catégories :

  • les métaux rares-même : on en dénombre selon les sources entre 20 et 50 différents dont le cobalt, le coltan, l’étain, … qui servent à l’industrie des télécoms, des objets connectés, des batteries, des véhicules électriques et à la révolution numérique, etc.
  • les terres rares qui sont un mélange de plus de 15 métaux rares.

Le terme « rare » est lié essentiellement au fait qu’ils sont très inégalement répartis à la surface du globe.

En réalité, ils se retrouvent un peu partout dans l’écorce terrestre mais dans des proportions très faibles et mélangés aux autres minerais, rendant leurs conditions d’extraction très difficiles.

Ils possèdent des propriétés uniques, notamment catalytiques, magnétiques et optiques qui les rendent indispensables à de multiples applications liées à la transition écologique et numérique telles que compteurs communicants, smartphones (dont ils ont permis la miniaturisation), batteries des véhicules électriques, éoliennes offshore, panneaux solaires, etc.

Les principaux pays producteurs de métaux rares sont notamment la Chine, l’Afrique du Sud, l’Australie, la Birmanie, le Rwanda, la République Démocratique du Congo (RDC), la Russie, le Brésil, la France et les Etats-Unis.

La Chine est néanmoins largement en position dominante sur ce secteur puisque sur les 170.000 tonnes produites l’an dernier, 71 % (120.000 tonnes) l’ont été par cette dernière (Source : US Geological Survey).

Aujourd’hui, chaque être humain consomme en moyenne 17 grammes de terres rares par an.

Cette situation pose des problèmes de trois ordres

1. Environnementaux

L’extraction et le raffinage des métaux rares nécessite l’utilisation à répétition de réactifs chimiques extrêmement polluants comme des acides sulfuriques et nitriques.

La purification de chaque tonne de minerais requiert l’utilisation d’au moins 200 m³ d’eau qui va se charger d’acides et de métaux lourds avant d’être rejetée telle quelle dans les fleuves.

La purification de chaque tonne de minerais réclame enfin une quantité d’énergie considérable.

L’industrie minière serait la deuxième ou troisième plus polluante au monde bien avant l’industrie pétrochimique.

Qui plus est, selon un rapport de l’ADEME publié en 2016, sur l’ensemble de son cycle de vie, la consommation énergétique d’un véhicule électrique est globalement proche de celle d’un véhicule diesel.

Par ailleurs, la consommation électrique de l’économie numérique est phénoménale. Il a été calculé que le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) produit chaque année 50 % de plus de gaz à effet de serre que le trafic aérien.

2. Sociaux

Afin de conquérir sa position quasi-monopolistique dans le secteur des métaux rares, la Chine a joué la carte, non seulement du dumping environnemental mais aussi du dumping social.

Dans la ville de Bantou, dont la mine à ciel ouvert fournit la moitié des métaux rares de l’économie mondiale, le taux de cancer est beaucoup plus élevé que la moyenne du pays, ainsi que les taux de pollution de l’air et de l’eau.

En RDC, le travail des enfants dans les mines de coltan représente un vrai problème. Le contrôle des mines provoque des conflits armés, d’où un déplacement massif des populations, sans compter le braconnage.

3. Géopolitiques

L'objectif annoncé par le Conseil européen de Lisbonne, en 2000, était de faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». 

Aujourd’hui, le Green Deal européen vise à faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone d’ici 2050 avec pour fondement la transition numérique et climatique.

Cependant, non seulement la Chine fournit 98 % de l’approvisionnement de l’Union européenne en métaux rares mais elle développe la technologie qui lui permet de maîtriser l’ensemble de la chaîne de production.

Il est donc illusoire de penser que la création de valeur ajoutée technologique va rester aux mains de l’Europe, sans compter le risque géopolitique en termes de ruptures d’approvisionnement pour des matériaux aujourd’hui stratégiques. L’idée selon laquelle l’Europe tirerait à terme sa prospérité de sa domination technologique sur le reste du monde s’avère donc largement remise en question.

Pour changer la donne, la Commission a présenté le 3 septembre dernier un plan d’action sur les matières premières critiques et notamment la création prochaine d’une « alliance européenne pour les matières premières » afin de renforcer la résilience de l’Europe. Cette alliance inclura les entreprises minières, les entreprises qui utilisent ces métaux critiques, celles qui recyclent, les ONG, les syndicats, les 27 États membres de l'UE, les régions qui sont intéressées et la Banque européenne d'investissement (BEI).

Néanmoins, la croissance exponentielle de nos besoins en métaux rares risque de faire en sorte que la transition énergétique ne soit finalement, en rien, une transition écologique mais une délocalisation de la pollution vers les pays qui sont prêts à en payer le prix pour assurer leur développement économique au prix souvent de la démocratie.

D’où l’importance de se munir de moyens législatifs au niveau des entreprises mais également au niveau sectoriel afin d’obtenir plus de transparence sur les chaînes d’approvisionnement, le devoir de diligence des entreprises.


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