L’adaptation au changement climatique : impact sur l’emploi

L'adaptation au changement climatique doit être mise à l'ordre du jour des interlocuteurs sociaux et le dialogue social doit être développé pour assurer la durabilité de nos emplois, la sécurité au travail, la création d'emplois décents et de qualité, pour protéger les travailleuses et travailleurs de la précarité et des effets négatifs du changement climatique.

L'adaptation au changement climatique signifie « anticiper les effets néfastes du changement climatique et prendre les mesures appropriées pour prévenir ou minimiser les dommages qu'ils peuvent causer ou tirer profit des opportunités qui peuvent se présenter »[1].

Elle diffère de l'atténuation du changement climatique qui consiste à diminuer la quantité d'émissions rejetées dans l'atmosphère en vue de réduire la concentration actuelle de dioxyde de carbone (CO2).

L'atténuation s'attaque aux causes du changement climatique tandis que l'adaptation s'attaque à ses conséquences.

Ces dernières sont multiples : augmentation de la température globale, vagues de chaleur (mais aussi parfois vagues de froid), inondations, sècheresses, vents violents, augmentation ou diminution des précipitations, montée du niveau des océans, acidification des océans, pertes de biodiversité, feux de forêt, apparition de maladies nouvelles sous des latitudes auparavant épargnées, etc.

Le phénomène de stress thermique fait référence à la chaleur reçue en excès de celle que le corps peut tolérer, sachant que la température moyenne annuelle optimale est d’environ 13 °C.

L’OIT (Organisation internationale du travail) a publié, en 2019, un rapport intitulé « Travailler sur une planète plus chaude : l’impact du stress thermique sur la productivité du travail et le travail décent ».

Ce rapport fait suite à l’adoption, en 2015, des principes directeurs de l’OIT pour une transition juste vers des économies et des sociétés écologiquement durables pour tous. Des principes qui invitent les gouvernements, en consultation avec les interlocuteurs sociaux, à procéder à des évaluations des risques accrus ou nouveaux pour la sécurité et la santé au travail, résultant du changement climatique, et à identifier les mesures de prévention et de protection adéquates.

Des projections basées sur une augmentation de la température moyenne du globe de 1,5 °C d’ici la fin du XXIe siècle et sur les tendances de la population active dans le monde évaluent au minimum à 2,2 % du total, les heures de travail perdues à cause des températures élevées. Cela correspond à 80 millions d’emplois à temps plein. Il s’agit d’un scénario minimaliste car actuellement, les engagements des Etats conduisent à une augmentation de la température de 3,5 °C d’ici la fin du siècle.

En 1995, Les pertes économiques dues au stress thermique au travail ont été estimées à 280 milliards de dollars. Ce chiffre devrait s’élever à 2.400 milliards en 2030 selon le même scenario.

Par ailleurs, tout le monde n’est pas égal face aux effets du réchauffement climatique :

  • les travailleuses et travailleurs de tous les secteurs sont touchés mais certaines professions sont particulièrement à risque parce qu’elles impliquent un effort physique important et/ou se déroulent à l’extérieur. Ces emplois se trouvent généralement dans l’agriculture, la construction, la gestion des ressources naturelles (biens et services environnementaux), le ramassage des ordures, les travaux de réparation d’urgence, les transports, le tourisme et les sports. Les ouvrières et ouvriers en usine sont également concernés si le niveau de la température à l’intérieur des ateliers n’est pas régulé. Et même, l’exécution des tâches de bureau est rendue plus difficile ;
  • l’impact du stress thermique est plus prononcé dans les pays à faibles revenus, particulièrement en Asie du Sud, du Sud-Est, en Afrique de l’Ouest et centrale. L’Europe devrait être relativement épargnée, à l’exception des pays méditerranéens mais également pendant les vagues de chaleur que nous connaissons de plus en plus sous nos latitudes ;
  • les personnes de plus de 50 ans sont davantage exposées au risque de souffrir de maladies cardiovasculaires.

Le graphique ci-dessous reprend la distribution de l’emploi par secteur notamment dans les quatre principales régions d’Europe. En Europe de l’Ouest en particulier, si la plupart des emplois (65 %) sont concentrés dans le secteur des services, la construction en représente néanmoins une part non négligeable.

Les effets économiques, sociaux et sanitaires du stress thermique sont intimement liés. La difficulté d’adaptation au réchauffement climatique risque de rendre plus difficile la lutte contre la pauvreté et l’atteinte de la plupart des objectifs de développement durables des Nations-Unies (SDGs), en particulier ceux liés à la pauvreté, la sécurité alimentaire, la santé, le travail décent, la croissance économique, la lutte contre les inégalités, les villes et communautés durables.

Au-delà des effets directs du stress thermique, le réchauffement climatique affecte la préservation des ressources de l’environnement telles que la disponibilité en eau, engendre des catastrophes plus fréquentes telles qu’inondations, feux de forêts, sècheresses, pandémies, etc., qui pèsent sur l’activité économique et la disponibilité des emplois par voie de conséquence, d’une manière générale.

Comme le montre le tableau ci-dessous, tant les gouvernements que les employeurs et les travailleurs doivent être impliqués dans la conception et la mise en œuvre des politiques d’atténuation aux différents niveaux d’intervention que sont la règlementation et les changements de comportement, l’investissement dans les technologies et l’infrastructure et le développement des compétences.

Le dialogue social joue un rôle crucial : d’une part, dans l’élaboration des politiques nationales notamment les politiques de santé et de sécurité au travail (par exemple, détermination des températures maximales auxquelles les travailleurs peuvent être exposés, adoption de normes de construction, etc.) et d’autre part, au niveau sectoriel et de l’entreprise par le biais des accords que les employeurs et les travailleurs peuvent concevoir et qui sont adaptées aux besoins et aux réalités spécifiques de leur lieu de travail.

Quelques exemples de bonnes pratiques

  • Développement de systèmes d’alerte précoces en cas de fortes chaleurs et développement de mesures d’indemnisation au niveau de la sécurité sociale pour compenser les heures perdues.
  • Conception des bâtiments inspirée de la nature (bio-mimétisme).
  • Amélioration de l’aménagement du territoire pour réduire les îlots de chaleur urbains provoqués par la circulation automobile et l’absorption thermique par les revêtements du sol et des bâtiments.
  • Au niveau du secteur de la construction qui est particulièrement exposé : surveillance des conditions météorologiques, développement d’applications sur le partage des informations et de la communication au niveau des mesures de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs qui permettent aux travailleurs de s’observer mutuellement, améliorations technologiques au niveau des vêtements de travail, formation des travailleurs (systèmes de jumelage, par exemple), adaptation des horaires de travail, conseils en matière d’hydratation, organisation des pauses et aménagement d’endroits frais et ombragés, etc.

Concrètement

A Phoenix, en Arizona (USA), les autorités ont lancé « un plan directeur des toits froids » et un « plan directeur des arbres et des ombres ». Tous deux prévoient l’installation de toits frais et la plantation d’arbres pour atténuer les effets de la chaleur.  Le constat a pu être établi que la combinaison de ces deux mesures fait baisser la température ambiante et réduit les besoins de climatisation.

Face à cette situation, il a été également constaté que les tendances migratoires sont directement corrélées à la température. Lorsque la température dans le pays d’origine s’écarte d’un optimum de 21,4 °C, les demandes d’asile augmentent. Le nombre de demandeuses et demandeurs d’asile est ainsi appelé à doubler dans un scénario de 2 °C d’augmentation de la moyenne mondiale de la température. Les chocs météorologiques affectent également les mouvements internes de population. Les gouvernements sont appelés à anticiper ces phénomènes au niveau de leurs politiques d’adaptation.

Bien évidemment, il s’agit avant tout de respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les objectifs de l’Accord de Paris car toute augmentation supplémentaire de la température entraînera des conséquences plus dramatiques sur l’économie, l’emploi et la situation sanitaire ainsi que des coûts d’adaptation massifs.

Les politiques d'adaptation sont cruciales mais pour l'instant, à quelques exceptions près, elles manquent d'ambition et d'une vision à long terme. Comme pour l'atténuation du changement climatique, il est fondamental que les syndicats soient activement impliqués dans le processus d'élaboration des politiques pour défendre la transition la plus équitable pour toutes et tous.

L'adaptation au changement climatique doit être mise à l'ordre du jour des interlocuteurs sociaux et le dialogue social doit être développé pour assurer la durabilité de nos emplois, la sécurité au travail, la création d'emplois décents et de qualité, pour protéger les travailleuses et travailleurs de la précarité et des effets négatifs du changement climatique.

Source : publication Working on a warmer planet, International Labor Office, Genève.